Elle
se réveille le coeur en tachycardie . Cette vieille histoire et
surtout la façon dont elle a été modifiée et utilisée lui
pourrit la vie par moments depuis qu'elle a retrouvé dans le
dossier de divorce le témoignage de son ex-belle soeur .
Elle
n'en a pris connaissance que l'année dernière en cherchant des
documents se trouvant dans le dossier pour une autre procédure
lancée par celui qui a été son mari .
Depuis
elle en en a rêvé , cauchemardé, et y repense par à-coups avec
à chaque fois de la honte et de la peur à l'idée que cela soit
su et puisse être évoqué à son encontre .
Elle
a honte et de ce qu'elle a fait impulsivement en réaction et de
s'être laissée manipulée sans rien y voir , de sa naïveté -pour
ne pas dire sa niaiserie- qui lui apparaît avec le recul;elle
n'est pour autant pas sûre que si les faits se produisaient
maintenant elle serait plus méfiante.
Tout
a commencé par la perte de ses clés sur le parking une fin d'après
midi d'hiver . Elle ne s'en est aperçu qu'au moment de rentrer chez
elle après avoir été manger chez les parents d' une copine .
Elle
a pensé alors les avoir perdu .
Avec
ses clés était accroché un petit bonhomme en métal auquel elle
tenait énormément car c'était un cadeau de son père, un
Jacquemard fabriqué à l'occasion de la cinquantième fête des
musiques du Faucigny.
Elle
a alors récupéré le trousseau de secours déposé chez une
voisine.
Le
copain de la copine est venu changer le verrou mais celui qu'il a
posé n'avait qu'une seule clé ...enfin c'est ce qu'il lui a dit.
Elle
est partie quelques jours et à son retour il lui a semblé que des
choses avaient été déplacées dans le logement. Bêtises car la
porte était bien fermée .
Quelques
nuits plus tard les appels téléphoniques anonymes ont commencé ;
silence ou respiration bruyante dans l'appareil lorsqu'elle
décrochait ,musique parfois .
Elle
en a parlé autour d'elle et la copine au verrou lui a dit que
cela lui arrivait aussi , qu'elle avait pu savoir quel était le
numéro de son correspondant en utilisant un appareil que son
copain avait ramené d'Amérique et qu'elle avait rappelé en
faisant la même chose , que cela s'était arrêté .
Elle
a bien sûr accepté que le test soit
fait chez elle après
quelques semaines ponctuées d'appels nocturnes .
Plusieurs
fois en rentrant elle a trouvé le verrou fermé à double tour alors
qu'elle pensait n'avoir pas
plus que les autres jours donné
un tour de clé ; parfois même la serrure de la porte était
fermée alors qu'elle n'avait pas souvenir de l'avoir fait et que
d'habitude elle se contentait de tirer la porte .
Ce
qu'elle toujours d'ailleurs .
Elle
n'a jamais verrouillé sa porte même quand elle avait une poignée
permettant d'ouvrir de l'extérieur .
Il
lui est arrivé d'autres fois d'avoir une impression d'étrangeté
en rentrant chez elle , le ressenti d'une bizarreté comme
une présence qui viendrait de s'évanouir .
La
copine lui a inscrit le numéro sur un papier , elle a fini par
l'utiliser 5 ou 6 fois en réponse, en représailles , suite à ces
sonneries au milieu de la nuit qui la réveillaient et l'angoissait
.
En
mettant des chansons en fond sonore .
Elle
ne s'est alors pas interrogée sur la fameuse machine , n'a pas
douté de la parole de la copine .
Il
n'y a plus eu de sonneries nocturnes mais plusieurs fois encore
elle a eu l'impression que quelqu'un était entré chez elle en son
absence .
Cela
l'angoissait .
Elle
s'est alors attachée à fermer la
porte à clef quand
elle sortait .
Elle
tirait même
le verrou quand
elle rentrait , effrayée à l'idée que quelqu'un pourrait entrer .
Quelques
jours ont passé , elle s'est trouvé ridicule : même si
quelqu'un avait trouvé ses clés comment aurait il pu savoir à qui
elles appartenaient ?
Elle
s'est rassurée , s'est tournée
en dérision quand
elle se prenait à vérifier en rentrant si il n'y avait personne
dans la douche , uniquement par ce qu'elle avait l'impression d'une
odeur , d'un air différent en passant la porte .
Quand
elle a parlé autour d'elle de ce qui se passait elle a été moquée
...à raison a t'elle pensé ; les fantômes n'existent pas et
nul être de chair ne peut passer à travers une porte fermée .Son
imagination lui jouait des tours
Un
jour en prenant le courrier juste avant de partir travailler elle a
trouvé son Jacquemard dans la boîte aux lettres ; elle a été
prise de panique .
Elle
était terrorisée et n'avait pas la tête à ce qu'elle devait faire
.
L'impression
que son logement était visité quand elle n'y était pas
correspondait peut être
à la réalité .
Quelqu'un qui la connaissait avait ses clés , venait sans doute
quand elle était absente, pouvait pénétrer dans le logement
n'importe quand... Elle
a passé plusieurs nuits inquiètes , cherchant à identifier les
bruits .
Fermer
systématiquement le verrou en sortant était la solution :
celui ou celle qui avait récupéré le trousseau et ne le lui avait
pas rendu ne pouvait posséder la clé du verrou .
Elle
a fini par se moquer de la folie de ses pensées quand elle se
prenait à suspecter que quelqu'un était passé chez elle par ce
qu'elle ne trouvait pas tel ou tel objet là où elle pensait
l'avoir posé ; il n'était jamais bien loin , juste quelques
centimètres à côté . Si
la paire de ciseaux n'était pas dans la boîte à crayon mais sur
le bureau cela ne pouvait être que par ce qu'elle ne l'avait pas
rangée .Elle n'avait pourtant pas le souvenir de s'en être servie .
Une
inquiétude sourde l'a accompagnée plusieurs jours puis , puisqu'il
n'arrivait rien , elle s'est tranquillisée.
Elle
a alors accepté un travail d'été qui l'obligeait à dormir sur
place. Elle partait tôt le lundi et revenait le samedi .
Il
y a bien eu un jour où ,elle a eu la certitude que quelqu'un était
passé : la porte fenêtre était entrebâillée.
Ce n'était pas
possible pourtant .
La
porte était toujours verrouillée quand elle est rentrée . Au
dernier moment , en retard pour partir le lundi matin elle a dû
oublier de fermer la fenêtre . Cela n'avait eu aucune importance :
les volets étaient tirés et , de toute façon , elle habitait au
quatrième étage.
Elle
ne pensait plus à tout cela quand elle est retournée en cours .
Elle a donc été surprise par la convocation d'un professeur . La
copine à la boîte magique était déjà dans le bureau quand elle
y est entrée .
La
réprimande l'a prise de court ; elle s'est vu accusée
d'appels anonymes
chez
ce professeur y compris pendant les vacances .Elle a essayé
d'expliquer ce qui était arrivé , de dire qu'elle n'avait pas été
chez elle tout l'été ;la honte de ce qui lui était reproché
était si grande que cela lui a été impossible .
Elle
n'a pas compris ce qui s'était passé.
En
y repensant 25 ans plus tard cela lui noue encore l'estomac .
Elle
a réfléchi ensuite à ce qui s'était passé sans jamais
comprendre le pourquoi de tout cela . Son trousseau n'avait jamais
été égaré et le nouveau verrou avait sans doute été vendu
-comme c'est l'usage -avec 2 clés. Quelqu'un , la copine de
l'époque sans doute , avait manigancé tout cela pour utiliser le
téléphone de
façon tordue .
On
lui a dit une fois que la donzelle en question avait dragué le
professeur et qu'il l'avait repoussée, qu'elle était jalouse de ce
qu'il m'ait proposé d'encadrer les travaux pratiques du premier
cycle pour compléter ma bourse .
Est-ce
une explication plausible ?
Elle
ne comprend toujours pas que cela ait pu engendrer un tel
comportement .
Pas
plus qu'elle ne comprend l'intérêt qu'il peut y avoir eu à évoquer
cette vieille histoire dans un divorce , l'intérêt qu'il peut y
avoir à salir quelqu'un dans une affaire qui ne nous concerne pas
.Elle ne comprend pas cette volonté de blesser , de nuire , qui va
jusqu'à présenter de telles allégations.
Elle
se heurte toujours à
ces affirmations mensongères , dégradantes
, qui la poursuivent à
travers des
dossiers où il n'y a pas de faits avérés mais
tant de déclarations
emphatiques qui veulent la montrer coupable et vont jusqu'à nier les
éléments dont elle donne la preuve .
Elle
a peur que ses enfants la jugent comme mauvaise au vu des dires
présentés comme des vérités , réitérés dans chaque procédure
par la partie adverse alors même que l'objet de celles ci n'est plus
le divorce comme s'il était important de continuer à
maintenir une emprise par des accusations et des qualificatifs
insultants qui se retrouvent écrits dans les minutes de ces
jugements qu'elle doit présenter chaque fois qu'une administration
le demande , dont elle ne peut donc se débarrasser .
Elle
a peur de regard des autres au cas où ils liraient le document .
Elle
se sent salie à chaque fois qu'elle doit en faire état .
Elle
sait que c'était maintenir la violence de la relation à travers
les années par le biais de l'inscription sur des documents
officiels .
L'utilisation
de cette vieille histoire de manipulation présentée de façon
tronquée c'est continuer à vouloir manipuler.Et tant d'année plus
tard cela reste toxique .
Alors
elle a tenu à expliquer comment elle a vécu les choses , à se
justifier , comme si elle était coupable de ça et du reste de ce
dont elle a été accusée .
Elle
espère qu'écrire les choses va l'aider à leur redonner leurs
justes importances .
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire